Dimanche 23 septembre 2018

25ème dimanche ordinaire, B

« Si quelqu’un veut être le premier… »

Jésus n’interdit pas le désir de vouloir être le premier, au contraire il l’encourage ! Mais il révèle une manière nouvelle et différente pour y parvenir : « Qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».
Dans l’Evangile de ce dimanche, Jésus annonce pour la deuxième fois sa mort et sa résurrection. Il le refera plus loin (Mc 10,34), car c’est le cœur même de la foi, l’essentiel de la Révélation. Chacune de ces annonces est suivie d’un enseignement adressé à ceux qui veulent le suivre. Le mystère de la Croix n’est pas enseigné pour lui-même, ni seulement comme une révélation de la mission de Jésus, mais pour donner aux disciples le chemin du Royaume. Il n’y a pas d’autre chemin pour nous que dans celui dans lequel Jésus s’engage : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive… » (Mc 8,35)

« Aimer, c’est toujours accepter la croix… Aimer c’est prendre le risque d’être blessé…par ceux qu’on aime le plus… » écrit Mgr Michel Aupetit (Homélie pour l’ordination de Mgr Matthieu Rougé à Nanterre).

Aussi, Saint Jacques (deuxième lecture) dénonce les effets d’une conception hédoniste de l’existence. Fondée sur la recherche de plaisirs et guidée uniquement par les désirs, elle a des conséquences désastreuses, produisant conflits, meurtres et guerres. La quête inlassable de plaisir ne conduit pas au bonheur, contrairement à la vraie sagesse qui « vient d’en haut » et donne la paix.

Jésus interpella vivement Pierre qui lui reprochait l’annonce, pour la première fois, de sa Passion : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». (Mc 8,33) Jésus s’était manifesté comme le Fils de Dieu lors de la Transfiguration. Il est le Messie, le Sauveur attendu par le peuple élu. Mais un Sauveur à la manière humaine qui en libérerant Israël de l’occupant Romain retrouverait sa splendeur passée du temps du roi Salomon.

Dans l’Evangile de ce dimanche, malgré la deuxième annonce de sa Passion, les disciples sont tellement loin de cette idée, « scandale pour les Juifs, folie pour les païens », (1Co 1,23) qu’ils discutent entre eux pour savoir qui « était le plus grand » ! Nous savons que cette course aux premières places occupe également une partie importante de nos préoccupations et mobilise une part notable de notre énergie.

Dès le plus jeune âge, on cherche à monter le plus haut dans « l’échelle sociale ». Comme si cette ascension, bonne en elle-même, était la clé de l’existence humaine et permettrait de surmonter ce qui est l’épreuve radicale de la vie humaine : la confrontation à la souffrance et à la mort. Si haut que l’on monte, si réussie que soit notre vie, tout cela s’arrêtera ou plus exactement continuera sans nous : « Les cimetières sont remplis de gens irremplaçables ! » On aura beau être monté haut dans les degrés de l’échelle, il faudra bien accepter que la vérité de notre vie ne soit pas réduite à cette ascension.

Car Jésus veut bien que nous soyons ambitieux et pourquoi pas jusqu’à être les premiers, mais dans quel but ? Est-ce pour la domination des autres ? Est-ce pour la satisfaction de nos désirs particuliers ? Ou bien est-ce que nous avons l’ambition de progresser dans le service des autres, dans le désir de ne pas être parmi les premiers selon le monde, mais selon l’amour ?

Déjà le livre de la Sagesse écrit à Alexandrie vers 50 avant JC., décrit le drame d’un homme

« juste » resté fidèle à sa foi juive. Il est haï et persécuté par ses compatriotes parce qu’il est devenu un reproche vivant pour eux. (Première lecture) Comme le « Serviteur souffrant » d’Isaïe, (Is 50,7-9) « le juste » ne craint pas la mort car il ne doute pas que Dieu interviendra pour lui.

Pour la Tradition chrétienne, il préfigure le Christ qui nous dit comme aux Douze : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ». (Evangile)

Et, pour bien se faire comprendre, Jésus allie le geste à la Parole en plaçant au milieu de ses disciples un enfant qu’il embrasse. Par ce geste, révolutionnaire pour l’époque, Jésus fait une double réhabilitation : humaine et religieuse.

Car un enfant entièrement dépendant, incapable de parler, de raisonner vraiment, et exclu de la communauté religieuse à cause de son ignorance de la Loi, est tenu pour un être insignifiant jusque sa majorité.

Mais ce n’est pas l’enfant en tant que tel que Jésus donne en exemple. Accueillir en son nom, un enfant qui symbolise tous les « petits », c’est l’accueillir en Personne, et Dieu lui-même puisqu’il est son Envoyé !

Que ce soit envers l’embryon, les personnes âgées ou handicapées… la loi du plus fort règne toujours dans notre société. Aussi, Jésus invite ses disciples à ouvrir le cercle fermé de l’Eglise pour être au « service » de tous, avec une option préférentielle pour les pauvres. Amen.

Père Patrice Pellen